Interview : Mykola Lavrskyi, post-doctorant sur le projet EXPAANS
Mykola Lavrskyi réalise un post-doctorat aux côtés de l’IRT M2P et du LEM3, après une thèse au sein du Groupe de Physique des Matériaux (GPM) de l’Université de Rouen Normandie. Il nous présente ses travaux de recherche réalisés dans le cadre du projet EXPAANS (EXtraction des Phases de l’Acier par Approches Non-Supervisées).
Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
J'ai obtenu un doctorat à Rouen au sein du GPM (Groupe de Physique des Matériaux). Le titre de ma thèse est « Modélisation en fonctionnelle de la densité atomique des transformations de phases dans le système Fe-C à basse température ». J'ai ensuite effectué quelques post-docs aux Etats-Unis et à Rouen en France. Mes travaux portaient sur les simulations numériques des transformations de phase et de l'évolution de la microstructure des aciers au niveau atomique. J'ai également acquis de l'expérience dans l'utilisation des techniques de Machine Learning au sein d'une entreprise privée à Lviv en Ukraine. Le projet EXPAANS me permet de combiner mon expérience de l'IA et mes connaissances en science des matériaux.
Quels sont les objectifs du projet EXPAANS et quelle est sa pertinence pour l’industrie métallurgique ?
L'objectif principal est de développer un modèle de deep learning capable de distinguer différentes microstructures dans les aciers sur des cartes EBSD. Il est important pour la métallurgie car les aciers de nouvelle génération présentent des microstructures complexes et multiphases. Leurs propriétés mécaniques sont contrôlées par les fractions volumiques des différentes phases et leur distribution. Une caractérisation correcte de la microstructure des aciers multiphases est essentielle pour surveiller la qualité de leur production et pour élaborer de nouveaux aciers.
En quoi l’approche utilisée dans EXPAANS se distingue-t-elle des méthodes plus classiques d’analyse des microstructures ?
La méthode traditionnelle de discrimination des phases est manuelle. Les experts utilisent alors des images après une attaque chimique. Cette procédure est très complexe et l'attaque chimique ne révèle pas toujours toutes les informations pertinentes présentées dans la microstructure. La classification manuelle prend également beaucoup de temps et est subjective, car les experts n'ont pas tous la même opinion. Dans EXPAANS, la reconnaissance des phases est automatisée par l'application de solutions d'intelligence artificielle.
En tant que post-doctorant, quels sont vos apports dans ce projet ?
Je fournis une analyse statistique microstructurale des données EBSD et forme des ensembles de données d'entraînement. J'ai également sélectionné les réseaux neuronaux artificiels présentant les architectures les plus appropriées et j'ai entraîné les modèles finaux pour la discrimination des phases. Ces modèles seront ensuite utilisés dans l'industrie.
Avez-vous eu des résultats ou des avancées marquantes que vous aimeriez partager (si non confidentiel) ?
Oui, nous avons pu développer des modèles de deep learning capables de distinguer automatiquement la ferrite, la martensite, la bainite inférieure et supérieure avec une précision de 86 à 99 %, en fonction de la complexité de la microstructure.
D’un point de vue personnel, quel regard portez-vous sur le recours à la simulation numérique ainsi qu'aux outils d’IA dans le domaine des matériaux ?
Actuellement, l'utilisation de l'IA dans la science des matériaux est un sujet d'actualité, sans toutefois être aussi intensive que dans d'autres domaines tels que la santé, le marketing publicitaire, etc. La science des matériaux dispose d'une énorme quantité de données expérimentales et de simulations numériques, mais ces données ne sont pas pleinement exploitées. Les techniques de Machine Learning peuvent améliorer les performances des simulations numériques grâce à l'optimisation des paramètres, à l'interprétation des résultats, à la réduction du nombre d'essais, etc. Ce domaine présente un potentiel inexploité et un grand besoin d'approches d'IA. Par conséquent, le nombre de solutions de Machine Learning ne fera que croître.
En quoi cette expérience vous a-t-elle enrichi professionnellement et quels sont vos projets pour la suite ?
Tout d'abord, grâce à mes collègues au sein du LEM3 et de l'IRT M2P, j'ai acquis une expérience précieuse dans la caractérisation des microstructures, le traitement d'images et le développement de modèles d'IA. J'ai également participé au développement d'une interface graphique pour la segmentation des microstructures qui sera utilisée par des partenaires industriels. Dans le futur, je projette d'approfondir mes compétences et mes connaissances en matière de Machine Learning et d'élargir le champ de ses applications, notamment en les combinant avec des simulations numériques.