Des traitements de surface innovants pour pérenniser la filière et préserver l’environnement
Depuis 2013, l’IRT M2P opère un programme de R&D pour aider les industriels à développer des solutions compatibles avec la directive REACh. Les efforts de R&D mis en œuvre par l’IRT M2P sur cette thématique représentent 9 projets lancés depuis 2013, pour un budget global de 20,7 M€.
Le 1er juillet 2007, le règlement Européen Registration, Evaluation, Authorization and restriction of Chemicals (REACh) est entré en vigueur afin de mieux protéger la vie humaine et l’environnement contre les risques liés aux substances chimiques, tout en favorisant la compétitivité de l’industrie chimique de l’Union Européenne. Cette réglementation a un impact très fort sur l’industrie des traitements de surfaces notamment sur des substances telles que les sels de chrome hexavalent, placés dans l’annexe XIV du règlement REACh le 13 avril 2013, et interdits d’utilisation en Europe depuis le mois de septembre 2017 sauf autorisation octroyée par les instances européennes.
Le chromage dur et la réglementation Européenne REACh
Parmi les procédés impactés par REACh sur lesquels travaille l’IRT M2P, le chromage dur, qui concerne des applications variées et de nombreux secteurs industriels, est le plus emblématique. En effet, l’IRT M2P travaille depuis 2014 sur la recherche d’une alternative aux sels de chrome hexavalent pour ce procédé.
Ces études ont démarré avec le lancement du projet Hard Chrome by Trivalent Chromium (HCTC) (4 ans - 3 480 k€), composé d’un consortium de 17 partenaires industriels (aéronautique, défense, transport et automobile) et académiques. Les travaux menés à partir d’un électrolyte de chrome trivalent (EX DBA 1318) formulé par la société Coventya (MacDermid Enthone Industrial Solutions) ont permis de mieux comprendre les mécanismes réactionnels mis en jeu lors de la réduction des ions CrIII, dont la très grande stabilité en milieux aqueux nécessite l’emploi de composés spécifiques dans les électrolytes de chrome trivalent, contrairement au bain de référence à base de CrVI.
La formulation des bains à base de chrome trivalent induit toutefois l’incorporation d’éléments légers tels que le carbone, l’oxygène et l’hydrogène dans les revêtements de chrome, ce qui modifie certaines de leurs propriétés (présence de fissures traversantes, augmentation de leur dureté avec l’application d’un traitement thermique…) en comparaison des propriétés des dépôts de référence élaborés à base de CrIV. Ces propriétés peuvent toutefois être modulées grâce à l’application de courants pulsés qui ont fait l’objet de nombreux travaux dans le projet HCTC et qui ont permis d’obtenir des résultats positionnant le procédé de chromage dur trivalent comme une alternative potentielle au chromage dur hexavalent (possibilité de moduler la fissuration des dépôts, leur dureté, la cinétique de déposition…). Toutefois, l’augmentation de la dureté des dépôts en fonction de la température demeure rédhibitoire pour certaines applications comme dans le secteur de la défense par exemple.
Au regard des résultats obtenus au cours de ce premier projet, l’IRT M2P a poursuivi ses efforts de R&D avec le lancement en octobre 2018 d’un nouveau projet de recherche propre, ChROme hard New generatiOn Solutions by 2024 (CRONOS 2024) (4 ans - 3 355 k€). Composé de 21 partenaires industriels et académiques, ce projet a d’abord permis de faire monter en maturité l’électrolyte de chrome trivalent formulé par Coventya, et commercialisé sous le nom de DURATRI 240 dès le démarrage du projet CRONOS 2024. En effet, en plus du bain de chrome d’un volume de 600L disponible sur la plateforme de traitements de surface de l’IRT M2P à Duppigheim, différents pilotes de chromage ont été montés chez des applicateurs partenaires du projet tels que Chrome Dur Industriel (240L), L’Electrolyse (275L), Verbrugge (800L) et encore Ugitech (3000L). Ces différents pilotes ont permis de traiter de nombreuses pièces industrielles telles que des tiges d’amortisseurs automobile, des tiges de vérins, des cylindres de laminoirs ou encore des crochets de portes d’avions. De plus, les nombreuses pièces traitées ont permis de développer des gammes de préparation de surface adaptées à différents types de matériaux (aciers, aciers inoxydables, alliages cuivreux, alliages base nickel, alliages d’aluminium…), renforçant ainsi la pertinence du procédé DURATRI 240 à se positionner comme une alternative au procédé de chromage dur hexavalent.
Après huit ans de développements, ce sont ainsi plus de 7000 dm² qui ont été traités avec le procédé DURATRI 240, ce qui correspond à plus de 270 000 A.h/L passés dans les différents pilotes de chromage. Par ailleurs, en parallèle des travaux menés sur le procédé DURATRI 240, un électrolyte a été formulé par la société INEOSURF, filiale de l’IRT M2P, pour répondre aux applications travaillant notamment en température (> 250°C) et pour lesquelles la dureté des dépôts ne doit pas augmenter en service. Ce procédé, appelé INEOCHROME, a pu être transféré avec succès lors du projet CRONOS 2024 depuis le bécher vers un pilote de 65L, et permet d’élaborer des dépôts de chrome non fissurés dont la dureté n’augmente pas avec l’application d’un traitement thermique.
A l’issue du projet CRONOS 2024, ce sont donc deux procédés alternatifs à base de chrome trivalent qui sont disponibles mais qui présentent des niveaux de maturité différents : entre TRL2 et TRL5 selon les applications pour le procédé DURATRI 240 et entre TRL2 et TRL3 dans le cas du procédé INEOCHROME.
La nouvelle date d’échéance concernant les composés du chrome hexavalent ayant été fixée au mois de septembre 2024 par les instances européennes, l’IRT M2P va poursuivre ses efforts de R&D dans les années à venir en vue de répondre aux besoins des industriels avec le lancement d’un nouveau projet de recherche. Son démarrage est prévu au premier trimestre 2023 pour une durée de 4 ans, avec l’objectif d’assurer la montée en maturité des procédés DURATRI 240 et INEOCHROME grâce au traitement de pièces réelles chez des industriels spécialisés dans le chromage dur, mais également d’aller vers des préqualifications en vue du déploiement de l’une voire de ces deux solutions alternatives dans la supply chain.
Les revêtements ZnFe à haute teneur en Fe : une alternative prometteuse aux revêtements de Cd bichromaté et de ZnNi
Outre le procédé de chromage dur, l’IRT M2P travaille également sur le remplacement d’autres substances impactées par les réglementations européennes en raison de leur impact sur la santé humaine et l’environnement. Parmi ces substances figurent les sels de nickel et de cadmium, respectivement inscrits dans les annexes XVII et XIV de la réglementation REACh, et employés dans les procédés de ZnNi et de Cd bichromaté.
Entre 2010 et 2014, des travaux sont initiés sous l’impulsion des secteurs automobile et aéronautique pour tenter de trouver une alternative aux procédés de ZnNi (12-15%) et de cadmium dans le cadre du projet FEDER Innovative Zinc Alloy Coating (IZAC) dédié à la visserie automobile (1 700 k€). Le projet donne lieu à la formulation d’un électrolyte ZnFe permettant l’élaboration de dépôts ZnFe à haute teneur en Fe (8-11%). Il s’agit du procédé PERFORMA 226 co-breveté par la société Coventya et le laboratoire UTINAM.
A l’issue du projet, le procédé était applicable au traitement conventionnel ainsi qu’au traitement au tonneau tandis que la tenue à la corrosion du système ZnFe complet (avec ajout d’une passivation et d’un top-coat) était équivalente à celle du système ZnNi (12-15%) de référence (avec les mêmes post-traitements), avec absence d’oxydation blanche après 1000h d’exposition au brouillard salin, et un coefficient de frottement en accord avec les exigences du secteur automobile.
Sur la base de ces résultats prometteurs et en raison de la vigilance accrue des instances européennes au regard de la dangerosité des sels de nickel et de cadmium, d’autres secteurs industriels (défense, naval, connectique, pétrole, gaz…) ont manifesté un intérêt pour les revêtements ZnFe à haute teneur en Fe. Cela s’est traduit par le lancement en août 2018 du projet Alternative TechnoLogies for improved Anticorrosion Solutions (ATLAS) initié par l’IRT M2P.
D’une durée de 4 ans et doté d’un budget global de 2 860 k€, ce projet porté par 20 partenaires industriels et académiques visait à adapter le procédé PERFORMA 226 à des applications propres aux pièces de structure et connecteurs, avec des besoins de tenue à la corrosion et de conductivité électrique pour les exigences les plus sévères, mais aussi à développer des passivations et top-coat dédiés aux revêtements ZnFe.
Les travaux menés dans le cadre du projet ATLAS ont notamment permis :
- De montrer que la teneur en Fe peut être comprise entre 8 et 14% dans les revêtements ZnFe, sans altérer leurs propriétés fonctionnelles ;
- De montrer l’apport bénéfique d’une préparation de surface mécanique sur les propriétés de conductivité électrique et, dans une moindre mesure, de tenue à la corrosion ;
- De mettre en avant les propriétés anticorrosion des revêtements ZnFe, similaires voire supérieures à celles des revêtements de ZnNi (12-15%), au moyen d’essais de brouillard salin et d’exposition naturelle en environnement corrosif C5, mais également de mesures électrochimiques (couplage galvanique, immersion longue durée…) ; et proches des propriétés anticorrosion des revêtements de Cd bichromaté ;
- De développer une nouvelle solution de passivation plus adaptée aux revêtements ZnFe sur la base de produits commercialisés par MacDermid ;
- De développer un électrolyte ZnFe adapté à la retouche locale par l’intermédiaire de la société DALIC pour la réparabilité des pièces.
De plus, en 2021, le procédé PERFORMA 226 a été transféré chez Electropoli grâce au montage d’un bain d’un volume de 1700L permettant d’éprouver le procédé à l’échelle industrielle. Les travaux menés par Electropoli ont ainsi permis de confirmer la stabilité du procédé PERFORMA 226 en environnement industriel : la distribution en épaisseur observée sur les différentes pièces traitées (connecteurs, portion de train d’atterrissage, ferrure…) et l’adhérence des revêtements ZnFe sur différents types de substrats se sont révélées optimales. D’autre part, les performances anticorrosion du système ZnFe ainsi que la capacité des revêtements à être défragilisés par les traitements thermiques conventionnels ont été confirmées.
Ainsi, à l’image du procédé de chromage dur, l’IRT M2P poursuivra ses travaux sur la substitution des sels de nickel et de cadmium dans les années à venir avec le lancement d’un nouveau projet de recherche dont le démarrage est prévu au premier trimestre 2023. L’objectif sera de poursuivre la montée en maturité du procédé PERFORMA 226 pour trois types d’application (pièces de fixation, pièces de structure et connecteurs) ainsi que le développement de solutions de passivations claires et sombres dédiées aux revêtements ZnFe.