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L'équipe Enovasense

Interview : Geoffrey Bruno, co-fondateur d'Enovasense

Depuis sa création, Enovasense révolutionne le contrôle des revêtements industriels grâce à une technologie innovante. Rencontre avec Geoffrey Bruno, co-fondateur, qui revient sur la naissance de la société, son partenariat avec l’IRT M2P et les projets d’évolutions à venir.
 

Enovasense propose une solution de contrôle des revêtements industriels sans contact et non destructive, pouvez-vous nous en dire plus ?

Enovasense a été fondée en 2013. Jean Inard-Charvin et moi étions alors deux camarades ingénieurs à l’Institut d’Optique. Nous suivions une filière entrepreneuriale dont le principe consistait à tester le potentiel de création d’entreprise ou une idée de technologie.

L’idée d’un capteur de mesure sans contact nous est apparue rapidement. En complément du développement technique, nous avons réalisé une étude de marché et effectué une prospection directe vers les marchés visés. Les industriels potentiellement intéressés nous ont redirigés vers la mesure d’épaisseur de revêtements. Nous avons retravaillé le concept de manière à répondre à cette demande et la technologie Enovasense est née : elle permet de mesurer tous types de revêtements (peintures, vernis, dépôts métalliques, traitements de surface, etc.) sur tous types de substrats jusqu’à un millimètre d’épaisseur, de manière rapide et non destructive grâce à la technologie de radiométrie photothermique laser. Enovasense se différencie par le mode d’émissions laser employé qui permet une plus grande précision dans les mesures. Actuellement, nous sommes les seuls à proposer des mesures de revêtements métalliques avec ce type de technologie.

La société a été officiellement créée à la fin de notre cursus universitaire : dépôt du brevet à l’international, constat d’un réel besoin industriel, démonstration des capacités de notre technologie, équipe construite, tout était prêt pour se lancer dans l’aventure. Nous avons consacré les trois premières années à l’industrialisation de la technologie, du produit et des prototypes associés. Nous cherchions avant tout des références pour nous rassurer, rassurer nos investisseurs et démontrer qu’Enovasense avait le potentiel nécessaire pour répondre totalement aux besoins des industriels. Lancer une technologie innovante dans l’industrie peut prendre beaucoup de temps, mais petit à petit, nous avons réussi à conquérir des références sur des marchés très divers : automobile, aéronautique, verre, énergie, médical... On a constaté que les besoins auxquels on pouvait répondre était très diversifiés.

La commercialisation a démarré progressivement à partir de 2016. Depuis 2013, Enovasense a accompagné une cinquantaine de clients, vendu plusieurs centaines de capteurs de mesure et compte 11 collaborateurs.
 

Les enjeux de l’industrie sont complexes : comment Enovasense accompagne ses clients ?

Dès les premières années, notre stratégie a été de proposer un accompagnement de A à Z à nos clients. Hormis la création de capteurs de mesure, nous avons conçu des intégrations complètes au sein de lignes industrielles, déployé l’automatisme, la reconnaissance d’images et les algorithmes. Nous avons développé un grand nombre de briques nous permettant de maitriser nous-même l’intégration des capteurs et d’être ainsi en contact direct avec nos clients sans recourir à un intégrateur externe. Grâce à cette logique, nous avons pu prendre en compte les exigences industrielles et les process utilisés en interne dans notre démarche afin de répondre au mieux aux besoins.

Aujourd’hui, nous avons développé des intégrations de capteurs standards, directement réalisables par nos partenaires. Nous avons une meilleure compréhension des besoins des clients, ce qui nous permet de passer par des intermédiaires pour certains marchés. Lors d’une installation, qu’il s’agisse d’un capteur, d’un système avec intégration ou intégrant nos capteurs, nous accompagnons et formons nous-même nos clients pour s’assurer qu’ils maitrisent totalement le procédé.

Enovasense se focalise désormais sur la partie mesure. Les problématiques associées sont plus complexes. Dans l’industrie, deux applications différentes (par exemple, une peinture aéronautique et un dépôt métallique pour une pièce automobile), n’impliquent pas le même algorithme ou la même calibration, les revêtements sont très différents et nécessitent des études et des développements plus spécifiques.
 

Comment avez-vous connu l’IRT M2P ?

Jusqu’à présent, nous collaborions déjà avec Safran sur différents projets. Alain Viola, alors expert à la direction matériaux et procédés de Safran et référent à l'IRT M2P pour la création du pôle traitements de surface, nous a contacté et nous a proposé d’approfondir certains projets aux côtés de l’IRT M2P.

Nous avons rapidement saisi le potentiel de cette opportunité : un IRT offre une vraie logique de R&D, qu’il s’agisse de développer un nouveau produit ou de concevoir des développements spécifiques, parfois plus compliqués à mener directement auprès d’un industriel. Nous avions l’occasion de bénéficier d’une plateforme où l’on pouvait à la fois développer un nouveau produit ou une nouvelle brique technologique, la possibilité de les tester dans des conditions privilégiées avec accès à des compétences humaines et des installations complètes de revêtements, de traitements de surface et de contrôle. Tous les moyens indispensables étaient réunis à un même endroit.

Notre collaboration avec l’IRT M2P a démarré dans le cadre du projet TRANSFUGE. Les procédés de thermochimie et de grenaillage requéraient des solutions de scans et de mappings pour les pièces traitées. Nous avons alors conçu et développé notre première station de contrôle automatisée avec 3 axes, ce qui permettait de faire les mappings de pièces point par point.

Aujourd’hui, cette station représente environ la moitié de nos ventes. Elle a beaucoup évolué depuis la création du premier prototype installé à l’IRT M2P sur le site de Duppigheim (67), nous y avons notamment intégré le capteur de mesure.
 

La collaboration entre Enovasense et M2P s’est approfondie avec le démarrage du projet IMPACT en 2019. Comment le projet a-t ’il influé sur l’optimisation et la montée en maturité de votre technologie ?

Le projet IMPACT consiste à développer un revêtement conforme à la réglementation REACH pour les arbres de compresseur et de turbine aéronautiques et comportant les mêmes capacités fonctionnelles que la solution à base de chrome VI utilisée actuellement. Au démarrage du projet, Safran Aircraft Engines et l’IRT M2P souhaitaient développer une nouvelle peinture mais également un nouveau process automatisé pour son application et y intégrer une mesure sans contact.

Nous avions déjà réalisé quelques tests auparavant, mais sans une intégration aussi poussée. Nous étions confrontés à deux enjeux :

  • Le nouveau revêtement nécessitait de ne pas toucher les pièces, sous peine de le dégrader, le sans contact devenait donc indispensable ;
  • La nécessité d’effectuer des mesures des diamètres intérieurs des arbres de turbines, le plus petit mesurant 38mm de diamètre.

Une première phase de preuve de concept nous a permis de vérifier la capacité de notre technologie à répondre à toute la problématique dans son ensemble. Nous avons ensuite développé toute l’ingénierie requise pour créer cette nouvelle tête de mesure, optimisé l’ensemble des éléments optiques, électroniques et mécaniques pour parvenir à déployer une tête de mesure beaucoup plus compacte et intégrable sur les robots. Nous sommes parvenus à miniaturiser notre technologie, tout en conservant les mêmes performances que notre tête de mesure standard.

La prochaine étape du projet IMPACT consistera à l’automatisation, c’est-à-dire à l’intégration de la tête sur un robot afin d’effectuer des mesures sur des pièces réelles. Au-delà du cahier des charges initial du projet, IMPACT nous a permis de développer et de proposer une nouvelle solution qui séduit de plus en plus certains de nos clients confrontés à ce même type de besoin.

têtes de mesure Enovasense

De gauche à droite, l'évolution de la tête de mesure Enovasense dans le projet IMPACT :
Ø66 mm / L 120 mm, Ø35 mm / L 96 mm, Ø35 mm / L 129 mm

 

Quels bénéfices pouvez-vous retirez-vous de cette collaboration et, plus largement, d’un partenariat avec un IRT ?

L’IRT M2P possède un réseau d’industriels très important dans le domaine des traitements de surface et des revêtements. Cela donne de la visibilité et permet de s’ouvrir à de nouveaux marchés dans un environnement plus large. Cela permet de monter des projets de R&D ou de proposer une solution déjà existante à nos cibles industrielles.

Le co-financement par l’état permet également d’allouer des moyens et du temps pour un développement spécifique et parvenir à une solution qui correspond à un besoin précis. Le développement d’un nouveau process de revêtement, c’est un travail long et fastidieux, qui demande beaucoup de temps et de moyens financiers. Un IRT offre un cadre de R&D structuré et l’opportunité de mener à bien ces développements avec des capacités d’expérimentations importantes et des équipements à échelle industrielle ou semi-industrielle. On peut valider étape par étape les différents jalons, c’est un gain de temps et de moyens non négligeable.

Enfin, collaborer avec un IRT, c’est bénéficier du savoir-faire et de l’expertise d’équipes pluridisciplinaires. Techniciens, ingénieurs ou encore doctorants, leurs compétences sont riches. Ces qualifications permettent de réaliser des prestations de R&D à la demande telles que des essais ou des caractérisations pour des industriels qui seraient intéressés par notre technologie. Les équipements situés à Duppigheim (67) associés aux compétences des équipes peuvent être mis au profit de demandes ponctuelles, grâce à la réalisation de démonstrations relatives à la pertinence et les performances obtenues.
 

Suite à cette collaboration et au récent rachat de la société par le groupe allemand Precitec, quelles sont les ambitions d’Enovasense pour les années à venir ?

Nous avions la volonté de répliquer les succès obtenus en France ou autour de nous à l’international, notamment en Asie et aux Etats-Unis. Même si nous y sommes parvenus de manière ponctuelle, s’implanter de manière durable à l’étranger représente un travail de longue haleine pour une petite structure telle que la nôtre.

La relation entre PRECITEC et Enovasense a démarré il y a quelques années. Il y a une vraie complémentarité stratégique et technologique entre les deux entités : PRECITEC est spécialisé dans les capteurs de mesure de distance de topographie très précis et les capteurs de mesure d’épaisseurs de revêtements transparents alors que nous sommes spécialisés dans les mesures d’épaisseurs de revêtements opaques. PRECITEC était parfois soumis à des demandes auxquelles ils ne pouvaient pas répondre et inversement. Le capital humain était déjà bien présent entre les deux équipes. Ce critère a beaucoup influé pour le rachat de la société, c’était important pour nous qu’il y ait cet alignement en termes de personnalités.

Nous avons vu ce rachat comme une nouvelle opportunité pour le développement d’Enovasense à l’international. Cela n’a pas changé l’organisation au quotidien, nous avons gardé notre état d’esprit. Cependant, nous avons de nouvelles ressources disponibles, de nouveaux collègues présents aux USA ou en Asie, qui, grâce à leurs compétences et leurs connaissances des cultures locales, vont nous permettre de démultiplier nos forces d’une manière positive et significative.  

Enovasense était très présent sur des marchés très « français » tels que l’aéronautique, l’automobile, ou encore nucléaire contrairement aux marchés asiatiques historiques de ceux des batteries, de l’électro-mobilité, des semi-conducteurs, et aussi du consumer electronics, c’est-à-dire tout ce qui touche aux ordinateurs et téléphones portables. Nous avons beaucoup de choses à prouver dans ces marchés prépondérants présents dans des pays plus industrialisés tels que la Chine, les USA ou encore l’Allemagne.

Hormis l’ouverture à de nouveaux marchés, nous avons de nouvelles pistes de développements R&D. A titre d’exemple, nous travaillons actuellement sur la conception d’un nouveau capteur de mesure de la répartition d’épaisseur sur une surface donnée. La solution ne remplacera pas totalement les systèmes par points car elle ne s’appliquera pas à autant de cas mais pour certaines applications, la prise de mesure sur des surfaces plus grandes s’en trouvera grandement accélérée.

 

En savoir plus : www.enovasense.com