[PORTRAIT DE DOCTORANT] Romain Le Barbenchon : développer les traitements de surface de demain
Alors que l’industrie cherche à évoluer vers des procédés plus respectueux des opérateurs et de l’environnement face aux nouveaux enjeux liés à la transition environnementale, Romain Le Barbenchon, doctorant IRT M2P au Laboratoire des Sciences de l'Ingénieur pour l'Environnement (LaSIE) à La Rochelle, désire apporter sa contribution par la recherche en traitements de surface. Il nous fait part de son parcours et son expérience dans ce domaine.
Au cours de sa scolarité, Romain s’oriente vers un cursus scientifique et se découvre un intérêt prononcé pour le domaine de la chimie au lycée. Originaire de la région bisontine, il choisit de poursuivre son parcours à l'IUT de Besançon avec un DUT, une licence professionnelle puis un master. Ce parcours lui ouvre les portes de la recherche industrielle et académique à l’occasion de stages et de périodes d’alternance, d’abord au sein de la société Aalberts Surface Technologies puis au Laboratoire des Sciences de l'Ingénieur pour l'Environnement (LaSIE-La Rochelle Université). Un monde qu’il découvre et pour lequel il développe un grand intérêt.
Si son parcours semble tout tracé, ce n’est pourtant pas ce qu’il avait envisagé pour son avenir : « Au cours de mon année de licence en alternance chez Aalberts Surface Technologies, j’accompagnais les équipes dans les opérations de traitements thermiques et thermochimiques. J’étais alors encadré par des ingénieurs qui m’ont vraiment encouragé à être autonome et à m’interroger sur mes actions, à comprendre les tenants et aboutissants de ce travail. Ça m’intéressait beaucoup et ces réflexions m’ont poussées à approfondir le sujet. Pour quelqu’un qui souhaitait poursuivre des études courtes et s’insérer rapidement sur le marché du travail, c’est relativement atypique ! »
D’un sujet méconnu à la préparation d’une thèse
Romain découvre l’IRT M2P au cours de son master dans le domaine des traitements de surface. Il rencontre alors Lucas Baissac, à l’époque post-doctorant à l’IRT M2P et chargé de cours, aujourd’hui chef de projets R&D - Traitements de surface par voie humide au sein de l’institut.
« Lucas nous a présenté une offre de stage à pourvoir au sein du LaSIE en lien avec le projet ATLAS porté par l’IRT M2P et dédié au développement de nouveaux systèmes sacrificiels à base ZnFe. Le stage portait sur la caractérisation, la fragilisation par hydrogène ou encore la tenue en corrosion... Ce n’était pas un sujet qu’on avait réellement abordé à l’école, c’est ce qui m’a motivé à postuler. C’était l’occasion pour moi de sortir de ma zone de confort et de découvrir un nouvel environnement, une nouvelle ville. »
Romain réalise ce stage et sa deuxième année de master en alternance au sein du laboratoire puis, il est recruté en tant qu’ingénieur par l’IRT M2P pour finaliser les travaux de caractérisation et de compréhension liés au projet ATLAS, toujours au LaSIE. « Pendant cette année d’ingénieur à l’IRT M2P, j'ai eu l’opportunité de prendre part à d'autres projets portant sur des thématiques telles que le recyclage de l'aluminium ou les revêtements pour application aéronautique. C'est l’un des gros avantages de l’IRT M2P : pouvoir évoluer sur plusieurs projets et participer à différentes avancées technologiques. »
Dès lors, l’idée de se lancer dans la préparation d’une thèse avec l’IRT M2P germe dans son esprit. Après son contrat d’ingénieur, il travaille pendant un an avec le LaSIE sur un projet financé par la DGA qui consiste à accompagner une entreprise sur le développement d'un appareil de mesure et de localisation de l'hydrogène dans les matériaux métalliques et les revêtements. Il décroche plusieurs entretiens pour des contrats de thèse et en avril 2023, l’IRT M2P lance le projet NEPTUNE, qui nécessite d’importants moyens de recherche fondamentale. C’est ainsi que Romain démarre sa thèse au LaSIE, partenaire académique du projet, en octobre 2023.
« Le projet NEPTUNE s’inscrit dans les enjeux industriels relatifs à réglementation REACh et à l’interdiction du chromage dur hexavalent dès 2024 avec le développement d’un procédé de chromage dur électrolytique à partir de chrome trivalent. Plusieurs projets portés par l’IRT M2P ont déjà été menés sur cette thématique depuis 2014. Ils ont permis la commercialisation du procédé de chromage dur trivalent DURATRI 240 par la société MacDermid Enthone Industrial Solutions ainsi que la formulation d’un nouvel électrolyte de chrome trivalent, INEOCHROME, exempt de molécules organiques. NEPTUNE a pour objectif l’optimisation et la montée en maturité de ces procédés afin d’envisager une potentielle industrialisation. L'usage des sels de chrome hexavalent est interdit depuis 2017. Les industriels ont besoin d’une autorisation pour continuer à utiliser ces sels jusqu'à ce qu’une substitution voie le jour, avec des propriétés et des performances similaires voire supérieures au procédé de chromage dur. Pour le moment, cette autorisation est valable jusqu’en 2024. C’est pour cette raison que le projet NEPTUNE a vu le jour, pour pousser au maximum le niveau de maturité des procédés de substitution. »
Allier enjeux environnementaux et compétitivité industrielle, un défi à long terme
Pendant sa thèse, Romain va s’intéresser au développement et à la compréhension des mécanismes régissant les bains de traitement à travers la formulation INEOCHROME, en tenant compte de plusieurs paramètres afin de comprendre la relation entre les caractéristiques obtenues sur les dépôts et leurs propriétés fonctionnelles : tenue en température, tenue en corrosion ou encore résistance mécanique.
Pour cela, il va effectuer des caractérisations d’éprouvettes post-traitement, des caractérisations après différentes expositions et des caractérisations fonctionnelles via la réalisation de plans d’essais : « on va étudier l'influence des différents paramètres du bain pour essayer de l'optimiser avec notamment l'influence de la température et la densité de courant sur la morphologie et sur la microstructure des dépôts. Ces caractérisations multi-échelle effectuées au LaSIE vont permettre de proposer un réel accompagnement pour les partenaires du projet qui souhaiteraient tester plusieurs configurations ou analyser des pièces de manière plus précise. »
Les travaux consisteront à mettre en place le bain à l’échelle laboratoire au LaSIE (4 litres) et de comparer les dépôts obtenus avec les autres échelles mises en place dans le cadre du projet : échelle pilote (65 litres) et semi-industrielle (600 litres) à l’IRT M2P, et chez les partenaires du projet, dont une cuve de 800 litres à L’ELECTROLYSE, l’un des partenaires du projet NEPTUNE, pour permettre la montée en maturité du procédé. « Le chrome hexavalent reste un procédé particulièrement efficace qui permet d’obtenir des dépôts avec des propriétés optimales. Les substitutions ne permettent pas encore d’avoir des résultats équivalents. De plus, elles nécessitent des formulations de bain plus complexes, des ajouts de composants et des entretiens réguliers des bains. C'est aussi ça le défi du projet NEPTUNE, il faut parvenir à stabiliser les bains dans le temps et à les maîtriser pour que la solution soit viable industriellement. »
En attendant, Romain prépare les équipements en laboratoire et s’informe grâce à des études bibliographiques pour s’imprégner du sujet avant de démarrer officiellement les premières expérimentations.
« Ces dernières années passées auprès de l’IRT M2P et du LaSIE m’ont permis d’appréhender le monde de la R&D dans un environnement particulièrement enrichissant d’un point de vue relationnel et professionnel. L’IRT M2P est une véritable passerelle entre le monde académique et l’industrie. Cela permet des échanges mutuels. L'accompagnement et l’apprentissage auprès de personnes expérimentées, c'est aussi ce qui m'a donné envie de revenir auprès de l’IRT M2P et du LaSIE. J'ai toujours été épaulé et guidé, toutes les fois où j’en ai eu besoin, notamment par Lucas et mes encadrants au sein du laboratoire, qui m’ont également inculqué les rouages de la communication scientifique. Les équipes ont de solides compétences, l’ambiance de travail est agréable. De plus, on nous fait vraiment confiance en nous accordant une grande part d’autonomie dans notre travail. »
Tourné vers l’avenir, Romain est particulièrement enthousiaste à l’idée de poursuivre dans cette voie qui lui permet d’allier le domaine applicatif et la recherche fondamentale. Les questions environnementales étant aujourd’hui au cœur des préoccupations industrielles, Romain est convaincu qu’il reste beaucoup à faire pour répondre aux différentes problématiques soulevées par ces enjeux. Par ses recherches, il souhaite amener sa pierre à l’édifice pour le développement de traitements de surfaces plus verts pour l’avenir.
« C'est une chance de pouvoir pousser la recherche sur des sujets complexes pendant trois ans dans le cadre d’un doctorat. C'est quelque chose d'unique donc il faut se donner à 100%. En tant que chercheur, on essaie de faire de notre mieux pour comprendre les choses et faire avancer la science. La recherche c'est long et complexe, notamment dans le secteur industriel, ça nécessite du temps pour prendre du recul sur nos études et les résultats obtenus. Pour moi la recherche, c’est plus qu’un travail, c'est un véritable investissement. Le chercheur a un rôle de médiateur, il doit apporter ses connaissances et mettre son énergie au service de projets ou de défis qui contribueront à l’amélioration du monde actuel. »